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Le feu sacré STM 62

Dave nous entretient ce mois-ci d'un sujet qui touche à la haute technologie mais est très controversé la recherche spatiale. Tout le monde reconnaît que l'informatique est un outil indispensable. Mais l'unanimité est loin de régner en ce qui concerne l'espace. Et pourtant, la recherche spatiale engendre sans doute autant de retombées intéressantes que l'informatique. De plus, Dave connaît des gens qui s'ingénient à prouver que non seulement on peut privatiser une partie des activités spatiales, mais qu'en plus on n'a pas besoin de moyens colossaux pour atteindre l'orbite terrestre. Ces bidouilleurs de l'espace, Dave les a naturellement rencontrés dans un salon de la bidouille, loin des administrations et de leurs bévues. Car les autorités, comme la NASA et le FBI, semblent faire mauvais ménage avec les "hackers"...

Vous vous rappelez?

   Chacun d'entre nous a eu des rêves, étant enfant. Des désirs, des buts insensés qui donnent forme à une existence entière, bien que le plus souvent, on ne puisse hélas les réaliser. Des rêves catalysés par une rencontre, par un événement. Vous vous rappelez les vôtres ? Moi, oui. Je ne pourrai jamais les oublier. Ils forment un jardin secret profondément enfoui en chacun, et comme tel, il est très difficile d'en parler. Une grande part de ce qui constitue le Dave Small actuel est construit autour d'eux. Mais un événement récent me pousse à vous en parler aujourd'hui.

   Mais d'abord, retour en 1972. Je devais être en quatrième. J'étais allé voir un film de science-fiction nommé "La tache venue d'Andromède". Le film commença. Il montrait, à ma grande surprise, un personnage en robe cueillant des légumes dans un potager. Hein ? Et mes lasers, mes soucoupes volantes ? Puis le personnage entra dans une cuisine, commença à laver ses légumes, et ouvrit une fenêtre pour regarder au dehors. Le volet de métal qui occultait la fenêtre (hein ?...) s'abaissa lentement, découvrant le vide spatial d'un noir intense constellé d'étoiles brillantes. La caméra bascula en vue de l'extérieur de ce hublot, s'éloignant en travelling arrière, en même temps que commença la musique... Et bon sang, mais il était dans un vaisseau spatial!

   Vaisseau parsemé de nombreux hublots, dont celui de cette cuisine, et le potager était sous un des énormes dômes géodésiques, et le vaisseau était en orbite autour de Saturne d'après les anneaux, et...

   C'était si inattendu que j'en fus époustouflé. Un enthousiasme, une excitation que je n'avais jamais connus m'envahirent jusqu'au tréfonds de mon àme. J'en fus changé à jamais. J'avais découvert mon rêve secret: l'espace.

   Durant quelques minutes, la caméra détailla le vaisseau géant, en comparaison duquel celui de "2001, l'odyssée de l'espace" ressemblait à une miniature, puis retourna à la cuisine et à l'intrigue. Je découvris que j'avais oublié de respirer pendant tout ce temps et que les mains me faisaient mal tant j'avais serré mes accoudoirs. Il y avait de quoi : voilà ce que je voulais, voilà ce pour quoi j'aurais tout donné ! Aller là-haut, contempler la terre, voir le soleil se réfléchir sur les océans, chercher les USA dans l'hémisphère nord... Pour la première et unique fois, je savais quel sens avait ma vie.

   Vous rappelez-vous pareille émotion, ami lecteur ? Vous souvenez-vous d'avoir un jour été empoigné par une force qui vous a montré votre plus cher désir, votre but ultime ? Avez-vous la chance de travailler dans ce but, à alimenter votre feu sacré ?

   Ou peut-être avez-vous abandonné ce "rêve de gosse" et passez-vous votre vie à faire quelque chose qui ne vous motive pas, qui vous ennuie et vous désespère à la seule idée de devoir vous lever le matin pour cela...

   Quant à moi, j'ai découvert l'automne dernier que j'avais oublié mon rêve, ce qui m'a presque déchiré. Je suis content d'écrire cela au lieu d'en parler, car cette découverte me pèse et m'étouffe. En fait, j'ai dû attendre quelques mois et prendre du recul avant de pouvoir l'écrire.

   "Que s'est-il passé ?", demandez-vous. Le choc qui m'a bouleversé est parti de retrouvailles à une convention annuelle.

HackerCon 7.0

   Chaque automne depuis six ans, j'ai le privilège de participer à une convention nommée Hackers Conference (en abrégé HackerCon), la conférence du bidouilleur. C'est une réunion, exclusivement sur invitation, où environ deux cents personnes, considérées comme les leaders de l'industrie informatique, se rencontrent durant deux jour dans un lieu éloigné de tout. Et, en fait de rencontre, certains résultats sont semblables au mélange de matière et d'anti-matière, d'une puissance qui dépasse toute attente.

   Oh, certes, il y a des groupes de discussions techniques. Mais c'est principalement une occasion de rencontrer des gens dont on parle dans la presse. J'ai ainsi rencontré des gens comme John Draper (génie de la téléphonie), Todd Runtgren (musicien), Ed Rotberg (auteur de Battiezone), Nolan Bushnell (fondateur d'Atari), Jay Miner (concepteur des circuits des Atari 8 bits et de l'Amiga) et Jimmy Hotz (musique orientée objet). Toutes sortes de cartes de visites s'échangent là, calmement, et bien des choses s'y déroulent, à l'abri de la presse je suis très discret au sujet de mes articles sur HackerCon !).

   Tom Hudson, auteur des splendides CAD-3D et Degas sur nos machines, reçut des applaudissement debout pour l'animation qu'il a montré. Il a écrit le magnifique logiciel Studio-3D pour AutoCAD sur PC, avec Gary Yost et Jack Powell, anciens d'ANTIC Publishing [NdT ancien éditeur du magazine ANTIC et de logiciels pour Atari, qui tire son nom d'un circuit intégré des Atari 8 bits].

Dave et le F.B.I.

   Et attention, la Conférence est une réunion sérieuse, pas un week-end passé à bronzer. Si sérieuse, même, qu'il m'a fallu aller m'expliquer avec le FBI au sujet de HackerCon 5.0 ! En effet, quelqu'un, qui avait pour pseudo "NuPrometheus League", avait à cette époque, il y a deux ans, volé le code source des ROM d'Apple, et un couillon avait dit au FBI que ce quelqu'un avait certainement participé à la HackerCon

   [NdT : le nom NuPrometheus - le nouveau Prométhée - est calqué sur le nom NuBus, le bus d'extension utilisé par Apple.]

   En fait, tous les participants à HackerCon 5.0 hors de la région de San Francisco furent contactés par le FBI. Et croyez-moi, il n'est pas très rassurant de trôuver en rentrant chez vous un message sur votre répondeur téléphonique vous disant de rappeler le FBI pour prendre rendez-vous Je suis néanmoins allé les voir.

   Je crois que c'est moi qui ait été une surprise pour le FBI. Bon, bien sûr, ils m'avaient fait peur. Mais je fus coopératif, et j'expliquai précisément ce que sont les bidouilleurs, à savoir des gens qui cherchent à "pousser l'enveloppe", comme les pilotes d'essais, les grands programmeurs, ou les leaders de l'industrie. Je mentionnai des gens ayant participé à la Conférence qui sont des plus respectables je ne cafardais pas, ils avaient la liste des invités). Puis je montrai au FBI ce que contenaient de vrais serveurs télématiques anarchistes réellement dangereux ("Improvisez du plastic dans votre cuisine"), et je leur ai laissé un listing de serveurs pirates et de leur contenu, en les priant de les faire fermer. A leur tour, ils parlèrent et m'expliquèrent qu'ils manquaient de personnel pour courir après les pirates, et des sommes qu'il fallait mettre en jeu avant qu'ils ne puissent intervenir. Nous discutâmes des heures.

   A ce que je sais, après avoir rassemblé des rapports, le FBI conclut que s'en prendre aux invités de la HackerCon était comme harceler le moteur qui anime l'industrie informatique. Et ils abandonnèrent ce tuyau percé. Cependant, une furieuse activité naquit chez les bidouilleurs, en raison de ces interrogatoires, certes, mais également à cause de l'opération Soleil du Diable, une bévue ahurissante que la presse décrivit comme une rafle contre les pirates informatiques, mais qui fut en fait réalisée de façon aberrante, sans discernement, et parfois illégalement (bien sûr, les médias ne daignèrent pas rapporter les faits exacts).

   Durant cette opération, les services secrets prirent d'assaut les bureaux de la firme de jeux Steve Jackson Games, qui préparait un jeu de rôles se déroulant dans un monde futuriste de "cyberpunks" vers l'an 2100. La firme faillit bien en être anéantie: les services secrets confisquèrent leurs équipements informatiques (traitement de texte, etc.) et les gardèrent très longtemps. La raison ? Le manuel du jeu expliquait que les personnages joueurs devaient s'introduire dans des ordinateurs. On jetait un dé, un i indiquait une réussite, sinon c'était un échec. Si Si, je passe mon temps à pénétrer par effraction dans des ordinateurs en jetant des dés (Ben voyons ! Des façons de m'introduire dans des systèmes, j'en connais qui glaceraient les sangs de certains constructeurs informatiques, mais aucune ne fait appel à un dé - ni à moi, d'ailleurs.)

   Le plus effrayant pour nous tous, c'est que les agents prirent d'assaut la firme de jeux de bon matin, fusils à pompe en main, avec, tenez-vous bien, des mandats de perquisitions non signés, et alignèrent face au mur les employés tandis qu'ils confisquaient tout ce qu'ils trouvaient.

   Je me demande s'ils ont découvert le dé. En tout cas, c'est une violation caractérisée des droits civiques.

   Quand le groupe de la Conférence apprit cela, ses membres explosèrent.

   Les messages fusèrent sur les réseaux électroniques. Un certain David Small se connecta sur The Well [NdT : réseau télématique] et appela à l'aide : "Au secours Le FBI veut me voir au sujet de HackerCon 5.0 Que diable se passe-t-il ?" J'appris ce qui s'était passé, non sans soulagement. Et à présent, il y a la Electronic Frontier Foundation (EFF) pour défendre les droits des gens en matière télématique, en partie à cause de ces entretiens avec le FB;. L'EFF, dont l'un des co-fondateurs est Mitch Kapor (auteur de Lotus 1-2-3), aida entre autres Steve Jackson Games. Faute de cette aide, les seuls frais de justice auraient coulé cette firme. J'ai rencontré Steve Jackson à HackerCon 6.0, il n'a rien d'un pirate (Electronic Frontier Foundation - 155 Second Street - Cambridge, MA 02141 - USA - Télécopie : (1) 617 864-0886 internet : eff.eff.org. C'est là une bonne cause s'il en fut jamais.)

   Vous auriez dû entendre les participants parler de leurs entretiens avec le FBI. A peu prés la moitié du groupe y avait eu droit. Jerry Pournelle [NdT : journaliste du magazine américain Byte et auteur de SF], qui est politiquement aussi à fond à droite qu'on peut l'être, était furieux de ces violations des droits civiques, et a décerné dans Byte son "prix oignon de l'année" [NdT : la Gamelle d'Or, en quelque sorte] à l'agent des Services Secrets qui avait concocté cette gaffe.

   Mais je suis au regret de vous dire que certains invités ont eu assez peur pour ne plus jamais vouloir revenir à HackerCon.

Retour aux bidouilleurs

   L'un des attraits de la Hackers Conference est le buffet aux friandises, où sont servis tous les amuse-gueule qu'on peut manger pendant un débogage nocturne, depuis le soda jusqu'aux barres de confiserie.

   J'étais donc à côté du saladier de chips, prenant un peu de sauce à l'avocat [NdT : beuh NDLR : Ho lui !] - c'est vous dire comme tout cela est encore gravé dans ma mémoire lorsque mon regard tomba sur le badge portant le nom de la personne se trouvant de l'autre côté de la table. C'était un homme avec une légère barbe qui avait l'air un peu perdu des nouveaux venus à la Conférence, qui cherchent à rompre la glace (les nouveaux venus ont toujours un choc, mais après ils plongent). Ce badge disait : "Gary C. Hudson, Pacific Amencan Launch Systems". Oh mon Dieu, me dis-je, mais je connais ce nom!

   Et tout ce que j'avais perdu il y a Si longtemps, depuis mes treize ans en classe de Quatrième, ce que j'avais oublié, tout cela me revint d'un coup, car j'avais en face de moi l'Homme aux Fusées. Je n'osais tout d'abord pas lui adresser la parole, car non seulement j'avais rencontré l'un des plus grands héros qui soient, mais de plus mes rêves perdus me revenaient et me faisaient apprécier la vie avec une force que j'avais cru oubliée... Je ferais peut-être mieux de m'expliquer, hein ?

Un petit historique de la NASA

   Au début des années 60, une organisation nommée NASA fut formée pour regrouper les différents efforts d'exploration spatiale entrepris par divers organismes, dont principalement l'Air Force (le X-15, vous vous rappelez ?). John Kennedy confia à la NASA la tâche d'envoyer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie.

   La NASA était une agence gouvernementale et n'apprécia vraiment pas cela. A nouveau, laissez-moi vous expliquer. Ayant travaillé pour différents contrats gouvernementaux et avec des amis employés au gouvernement, je peux vous assurer que le but de la NASA n'était pas d'envoyer un homme sur la Lune. Le but, c'était que la NASA ait encore du travail l'année suivante. Ce qui signifiait qu'il fallait faire traîner les choses.

   Notez qu'ils sont corrects en terme de contrats gouvernementaux. Après juillet 1969, quand l'excitation fut dissipée, la NASA perdit beaucoup d'emplois en raison de coupes budgétaires décidées par des gens qui n'y voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, comme cet idiot de sénateur William Proxmire [NdT : sénateur célèbre pour ses critiques acerbes contre les dépenses gouvernementales, critiques souvent justifiées, il faut bien le dire].

   Je suis navré de le dire ainsi, car l'ai vécu et j' ai reve une grande aventure grâce à la NASA, moi aussi, dans les années 60, me levant à 4 heures du matin pour regarder les lancements des Gemini et Apollo, la montée de la fusée dont les lettres peintes sur le fuselage épellent "UNITED STATES", pour voir Neil Armstrong sur la Lune, Jack Swigert dans Apollo 13 luttant pour survivre après l'explosion du réservoir d'oxygène, pour voir Deke Slayton finalement revenir intact...

   ...pour voir ensuite une fusée Saturn-V, prête à s'envoler avec un équipage, le plus puissant engin jamais bâti par l'homme, que la NASA a exposé couchée sur le côté à Houston et jeté en pâture aux touristes voir les interminables années 70 et 80, durant lesquelles Skylab cafouilla puis tomba et brûla parce que la NASA ne pouvait pas le maintenir en orbite, durant lesquelles nous n'avions plus de missions lunaires, nous lançâmes sans pré-vérification le télescope spatial Hubble (allons, secouez-vous !), qui échoua naturellement...

   ...jusqu'au jour présent, où le programme de la navette spatiale, d'une technologie datant des années 60-70, a connu ses fameux déboires, et où des gens sont morts. L'an dernier, avant le salon WAACE, nous avons visité le cimetière d'Arlington où reposent certains astronautes de Challenger et avons versé des larmes avec beaucoup d'autres gens.

   Je n'ai plus confiance en la NASA. Jamais je ne pourrais un jour aller en orbite et atteindre mon but Si je m'en remet à la NASA. Voyez leurs exploits ! (Si vous croyez qu'Atari a des problèmes, regardez les leurs.)

   La NASA et la firme Morton Thiokol [NdT constructeur du booster à poudre dont un joint déformé par le gel a causé l'explosion de la navette Challenger] ont passé outre les avertissements des ingénieurs, c'est-à-dire ceux qui savaient, quant à la température minimale de sécurité pour les joints toriques, afin de précipiter le lancement de Challenger pour des raisons essentiellement politiques. Voyez-vous, il y avait à bord une institutrice qui devait le lendemain donner à la télé un cours retransmis en direct dans toutes les écoles de la nation, et il ne fallait pas qu'elle ait un jour de retard. Alors ils ont quand même lancé Challenger.

   Quand on pense que quelques lancements auparavant, un booster faillit se consumer en vol, tandis que le moteur principal de la navette était tombé en panne durant la montée... Et la NASA avait ignoré tout cela!

   Durant les essais au sol d'Apollo l,ils avaient enfermé Gus Grissom et deux autres astronautes dans la capsule remplie d'oxygène pur (ce qui est inexcusable) [NdT : mais justifié par le gain de poids par rapport à l'air], et un court-circuit a fait brûler vifs trois hommes valeureux qu'on ne put faire sortir parce qu'il fallait trente minutes pour démonter l'écoutille. La NASA a commis bien d'autres bévues à faire pâlir d'horreur. Certaines n'ont été rattrapées que grâce aux réactions rapides de pilotes d'essais et d'équipes au sol héroïques. On se rappelle Apollo 13, dont l'équipage survécut miraculeusement à l'explosion de son réservoir principal d'oxygène à ml-course vers la Lune, à cause d'une erreur d'un sous-traitant que la NASA avait laissé passer... Quant à la mission Apollo il, première à atteindre la Lune, elle n'a pu alunir que parce que Neil Armstrong, pilote d'essais depuis des années, regarda vers le bas au dernier moment, constata que le site vers lequel l'ordinateur de bord menait le LEM était semé d'énormes rochers, et passa~en commandes manuelles.

   La commission d'enquête présidentielle sur Challenger a découvert que la conception de la navette était contestable sur de nombreux points, là où la politique ou le budget l'avaient emporté sur les lois de la physique ou le simple bon sens. Ainsi, les pneus éclataient régulièrement à l'atterrissage. Les freins étaient douteux. Les turbo-pompes qui alimentaient les moteurs principaux fonctionnaient sans marge de sécurité. Et l'équipage n'avait aucun moyen de s'éjecter!

   Et je dois ajouter un détail très pénible qui a été soigneusement étouffé : l'équipage de Challenger a survécu quelque temps après l'explosion. Au moins un membre de l'équipage passa son masque à oxygène de secours, mais la cabine tomba dans l'océan et il y périt noyé.

   Vous vous souvenez de Saturn V, ce puissant engin qui expédia une lourde charge jusqu'à la Lune ? Eh bien, la NASA a égaré - je ne plaisante pas - la documentation absolument indispensable sur la séquence de mise à feu des moteurs multiples, séquence dont la parfaite synchronisation fait la différence entre un beau lancement et une boule de feu. La nation la plus puissante du monde ne sait plus comment on allume une Saturn ! Parmi mes amis, de vieux employés cyniques de la NASA disent que la documentation a été volontairement jetée pour préparer la voie à la navette, ce qui revient à brûler les ponts derrière soi.

   Quant à l'informatique de pointe de la NASA... La navette utilise des mémoires à tores dans ses trois ordinateurs principaux. Vous vous souvenez de cette cochonnerie ? Vous pouvez essayer d'en trouver dans des musées, ou dans des films des années 50 sur les ordinateurs et les robots. Un tore magnétique stocke un bit dans un petit anneau de ferrite et servait de mémoire principale avant que la RAM ne soit disponible en grandes quantités. De plus, la navette utilise trois ordinateurs pour prévenir une panne de l'un d'eux. Un tout petit calculateur sélectionne la décision majoritaire à deux contre un Si les trois machines sont en désaccord. Je suis stupéfait qu'IBM continue à maintenir un ordinateur Si vieux.

   Et la station spatiale Freedom ? Mon meilleur ami s'y intéresse et observe que le projet est lentement annulé, morceau par morceau. La mission vers Mars est en train de couler avec. Honnêtement, Si nous avions un brin de cervelle, nous achèterions la station spatiale russe Mir, qui est toujours en orbite et toujours munie d'un équipage à ce jour. Au moins, elle marche [NdT: justement, la Russie cherche à vendre certaines technologies spatiales].

   Au cas où vous n'auriez pas compris, j'ai des griefs contre la direction de la NASA, pas contre les excellents ingénieurs qui accumulent des réussites spectaculaires en dépit de leurs chefs. En fait, des cosmonautes russes en visite à la NASA ont examiné des plans de Freedom et ont signalé des erreurs qu'ils avaient déjà eu à subir. Comme par exemple les panneaux coulissants. Qui dans l'espace ne coulissent plus, mais adhèrent. Sans doute comprenez-vous à présent pourquoi j'ai perdu confiance en la NASA, et pourquoi je retiens mon souffle chaque fois qu'ils lancent une navette.

Les efforts de Gary

   Et là, de l'autre côté de la table, se trouvait un homme qui avait de toutes ses forces tenté d'atteindre l'espace depuis 20 ans, un constructeur indépendant de fusées. C'est un ingénieur très qualifié, consultant pour de nombreuses organisations aérospatiales. Et il a fait ce qui pour moi est la caractéristique du bidouilleur : il a quand même essayé ! Crénom, vous n'êtes pas un bidouilleur tant que vous n'avez pas tapé "GO" pour voir ce que ça fait, que ça marche ou non. Et comme le savent les gens qui ont visité Gadgets By Small, c'est sans importance s; ça rate, et ça rate souvent. Vous réessayez. Ce n'est qu'ainsi qu'on arrive à surmonter l'impossible. (Nous avons une scie ici : "Et alors ? Qu'est-ce que ça va faire ? Rater? La belle affaire !") Et le but est à présent Si terriblement proche...

   Gary Hudson a perdu une fusée dans laquelle lui et 25 de ses collaborateurs avaient mis tout leur coeur et leurs tripes. Durant les tests de moteur, elle a fait un "mauvais départ", c'est-àdire que le combustible, au lieu de s'enflammer instantanément dans la tuyère, s'est accumulé et a explosé. Les morceaux de ferraille résiduels ne faisaient guère plus de 50 cm, raconte Gary. (Interrogez à la NASA sur les mauvais départs, sur le nombre de fusées qu'ils ont perdu avant d'oser y mettre quoi que ce soit de vivant. Les gens d'ici qui se rappellent Spoutnik et les années 50 se souviennent bien de la phrase "Les nôtres explosent toujours !") Je n'ai jamais quant à moi subi quelque chose d'aussi affreux que cette explosion. Ce serait comme planter un programme durant les tests et perdre tout le code source en même temps.

   Sans compter qu'après, Gary a dû affronter l'émission de TV "Nightline" où le journaliste Ted Koppel l'a interrogé sur l'état des firmes privées de lancements spatiaux. Et Ted Koppel fait ressembler l'interrogatoire du FBI que j'ai subi à un thé mondain. Un vrai baptême du feu !

   Mais Gary a essayé, s'est obstiné. Il a conçu les engins Phoenix, qui sont des lanceurs réutilisables employant une technologie saine des années 80-90, qui peut monter en orbite et redescendre sur Terre aussi souvent que vous le souhaitez... Et il a découvert ce que je vous ai dit au sujet de la NASA lorsqu'il leur en a parlé. Intérêt zéro.

   Phoenix utilise un concept dit SSTO (Single Stage To Orbit, mise en orbite avec un seul étage), parce qu'il ne gaspille pas plusieurs étages à chaque lancement. Après l'atterrissage, on fait le plein et on repart (bon, c'est un peu plus complexe, mais vous saisissez l'idée).

   Mais voilà, Phoenix ne coûte pas les sommes énormes que coûte la navette, et Gary ne craint pas de perdre son boulot après avoir atteint ses objectifs. Ce n'est donc décidément pas un projet pour la NASA. Et vous pouvez être certain qu'il n'y a pas de mémoires à tores échappées des années 50 dans Phoenix.

   Gary et quelques autres, Phil Bono par exemple, ont fait vivre un rêve durant bien des années de solitude, les années 70 et 80, où presque personne ne les écoutait. Oh, certes, les écrivains compétents connaissaient Gary Hudson. Jerry Pournelle, qui a travaillé à la NASA pendant des années, lui a dédié un livre, et en a même fait un personnage jouant un rôle important dans son dernier livre, "Fallen Angels", qui comprend bien sûr une fusée Phoenix. [NdT toujours aucune traduction des romans de SF de Pournelle n'est prévue en France, à cause, m'at-on dit, de son agent littéraire.]

   Le chiffre 7 est supposé porter chance. En tout cas, pour moi, il l'a fait, puisque c'est à HackerCon 7.0 que j'ai rencontré Gary. Je me suis enfin rappelé le sens de ma vie,aprés vingt ans d'oubli. J'ai fini par rassembler mon courage et suis entré en conversation avec Gary, qui est très sympathique. Il a un regard particulier que je n'ai vu auparavant que dans le regard du père de ma femme Sandy, un regard de pilote d'essais. (Le père de Sandy a piloté le prototype YF-12 et les SR-71 Blackbird. Sandy a grandi à la légendaire base Edwards de l'Air Force. Son père a participé aux tests du SR-71, ce qui signifie qu'il était de ceux qui poussèrent l'appareil à ses limites pour voir jusqu'où il pouvait aller. Avec l'avion le plus rapide du monde, et celui qui monte également le plus haut, ce n'est pas chose aisée. Nous lui avons dédié la carte 68030 SST.) Et dans ce regard, j'ai vu qu'on ne pouvait pas arrêter aisément Gary. C'est une force de la nature.

   Nous avons parlé longtemps, et durant ce temps, la vieille flamme d'enthousiasme que je venais de ranimer n'a fait que grandir. D'autres personnes nous ont rejoint, principalement des fanas de l'espace, qui ont offert leurs idées sur l'aide qu'ils pourraient apporter. J'ai décidé d'y contribuer, afin que l'on sache qu'il y a d'autres voies d'accès à l'espace. La conversation a continué pendant le dîner et une bonne partie de la soirée, discutant de ce la façon dont certains bidouilleurs pourraient apporter leur aide. (Nous nous sommes cependant interrompus pour voir un simulateur de vol sur une station Indigo de Silicon Graphics... Il faut le voir pour le croire!)

   Oui, je sais, il semble présomptueux de croire que quelques petits bidouilleurs pourraient aider la construction d'une fusée. Mais certaines de ces personnes sont celles qui ont créé l'industrie de la micro-informatique. Alors, Si quelqu'un peut le faire, c'est bien eux. Mais au fond, l'espace, pourquoi faire ?

L'espace, pourquoi faire?

   Beaucoup de gens croient encore que le programme spatial est une perte de temps et d'argent, et que tout ce que nous avons fait, c'est ramener quelques cailloux de la Lune. C'est parce que personne ne leur a jamais expliqué ce que le programme spatial a fait pour nous. Le service des relations publiques de la NASA fait encore moins de vagues que celui d'Atari, c'est dire... Et il y a bien des gens qui voudraient s'emparer du ridicule budget de la NASA et l'ajouter à leur empire personnel (cf. Proxmire).

   Si je vous dis "Nylon" ? Oui, les bas et les fils de pêche. Ou bien "Velcro" ? Vous en avez l'usage, non ? Eh bien, ce sont des dérivés directs de la R&D du programme spatial. Les satellites aussi, bien sûr, qui nous permettent de suivre la formation des cyclones et de sauver des centaines de milliers de vies humaines. Et saviez-vous que vous pouvez acheter aujourd'hui une balise de secours que des satellites peuvent repérer partout sur Terre? Ou bien un système de positionnement par satellite qui vous indiquera votre position à quelques mètres près partout sur Terre ? Vous pouvez oublier la crainte de vous perdre (ces systèmes ont été abondamment utilisés durant la Guerre du Golfe). Des photos prises par satellite montrent des ressources que nous pouvons utiliser, et aidaient à maintenir la paix du temps de l'URSS.

   Les satellites Keyhole KH-1 1 étaient paraît-il Si performants qu'ils pouvaient lire une plaque d'immatriculation sur une base soviétique, que ce soit les essais de lasers anti-missiles à Dou shanbe, les silos de missiles soviétiques ou les énormes postes de commandement souterrains construits pour l'état-major en cas de conflit nucléaire. Durant le conflit israélo-égyptien de 1970, un passage de satellite fut absolument crucial pour maintenir la trêve, il indiquait les positions des troupes et aida les USA à persuader l'un des belligérants de ne pas violer les limites des traités.

   Je peux sans problème prouver que les observations par satellite sont une des raisons pour lesquelles nous avons tous survécu à la course aux armements. C'est ce que j'appelle être utile.

L'espace vert

   Je pourrais bavasser des heures sur les avantages de l'exploration spatiale, mais son plus grand mérite est le suivant : si vous vous souciez d'écologie et de préservation de l'environnement, vous devez soutenir le programme spatial. C'est notre seul espoir de nettoyer la planète et de la maintenir propre (mais la NASA n'est pas notre seule voie vers l'espace).

   Prenons par exemple l'énergie, que nous devons absolument avoir en abondance pour notre économie. Avec la technologie des années 70, que nous pourrions mettre en oeuvre aujourd'hui Si nous le voulions, nous pourrions placer en orbite des satellites de collecte d'énergie solaire, qui pourraient récolter l'énergie solaire brute, sans interférences atmosphériques, et l'envoyer sur Terre sous forme de rayonnement. Cela nous permettrait de nous passer de sources d'énergie controversées, comme les centrales thermiques au charbon génératrices de pluies acides, ou les centrales nucléaires engendrant des déchets qui resteront dangereux pendant 250 000 ans et que nous nous demandons où enterrer. C'est une idée si ancienne, qui a été calculée et vérifiée dans les moindres détails tant de fois qu'il est stupéfiant que rien n'ait été fait en ce domaine.

   Avec de l'énergie bon marché (qui est l'ingrédient essentiel), nous pouvons nettoyer des zones polluées, et ne pas créer davantage de pollution. Généralement, une pollution résulte d'un processus industriel choisi pour sa moindre consommation en énergie et donc son moindre coût. Eh bien, la lumière du soleil est gratuite, combien vous en faut-il ? [NdT : en France, l'industrie aérospatiale a mis au point des lances à plasma, capables de "casser" à très haute température les molécules des polluants chimiques les plus stables, idéales pour changer en matière inerte de grandes quantités de déchets. Seul obstacle, leur énorme consommation en énergie...]

   D'après le magazine Time, la couche d'ozone se détruit si vite que cela va poser problème très vite aux Etats-Unis, nous ne pouvons donc plus nous contenter de compatir aux problèmes des Australiens. Et pourtant on pourrait tenter d'y remédier, avec des lanceurs orbitaux.

   Et de grandes choses peuvent être faites en apesanteur, depuis des fils incroyablement résistants appelés "monofilaments" jusqu'à de nouveaux médicaments, en passant par des billes de roulement parfaites (qui sont déjà utilisées !), mais toutes ces applications ont été terriblement retardées par les problèmes accumulés par la navette.

IDS et aile delta

   Il y a quelque chose que vous trouverez sans doute ironique. Vous rappelez-vous tout le raffut autour de l'IDS, l'initiative de Défense Stratégique, surnommée "Guerre des Etoiles" ? A présent, les temps ont changé, et l'Office de l'IDS (SDIO) a plus de soucis à se faire pour un seul missile détenu par un fou que pour les milliers de l'ex-URSS. Et cette défense est un but réaliste, atteignable, et très moral. Au cas où vous ne sauriez pas, on ne peut dans l'immédiat rien faire d'autre pour éviter un missile nucléaire que s'abriter. Se donner un moyen d'action, c'est l'objet de l'IDS.

   Un aparté intéressant au sujet de tout ce que les médias nous cachent.

   Le missile Patriot, comme vous le savez, a sauvé de nombreuses vies en détruisant des missiles SCUD durant la guerre du Golfe. Mais savez-vous qui fut le fer de lance de la transformation du projet Patriot, à l'origine un missile anti-avions, en missile anti-missiles ? Ce fut Dan Quayle, alors Sénateur. Ce qui démontre que ne pas savoir parler en public n'implique pas qu'on soit idiot, chose que nous avons oubliée [NdT Dan Quayle, le vice-président américain, est réputé pour ses maladresses et est la tête de Turc de la presse].

   Et savez-vous qui veut à présent un véhicule orbital réutilisable, qui pourrait nous ramener à l'espace et nous donner accès à des technologies salvatrices pour la Terre ? La NASA ? Vous n'y êtes pas.

   C'est l'Office de l'IDS, le 5Db. Oui, les gens de la "Guerre des Etoiles". En fait, le SDIO a investi 58 millions de dollars dans un concept, le "DC-X Delta Clipper" de McDonnell-Douglas, qui ressemble étonnamment au Phoenix. Des gens comme Gary Hudson ont mis en équations ce concept depuis des années. Le nombre de moteurs qu'il faut par sécurité, en supposant que certains tombent en panne, le centre de gravité, la taille du nez, etc. Le concept est basé sur le moteur-fusée RL-10. Le RL-10 est aussi sûr que peut l'être un moteur, et son taux de réussite est excellent. Une revue très exacte et très fiable, "Aviation Week and Space Technology", en a fait l'éloge.

   Nous parlons de choses concrètes. Premiers vols d'essais en avril 1993. Dans moins d'un an ! Vol orbitaux en été 1996. Voyez, ce n'est pas seulement un bel espoir, c'est du réel. Le DC-X utilise des technologies existantes, ce que tout programmeur appréciera (déboguer les nouveaux systèmes, c'est un enfer), et, comme mon rêve, enfin, se réalise.

   Et Gary Hudson ? Ici, cet article a subi un coup de ciseaux massif, hélas. Gary a été assez aimable pour me parler de son projet et me fournir de la documentation dessus, mais à la condition que je n'en parle pas avant qu'il le dévoile. Je dirais que des gens comme Gary Hudson, comme tout vrai bidouilleur, ne doivent jamais être sous-estimés. Les grosses compagnies sortent des choses comme OS/2, les petites des choses comme Spectre GCR. Dites-moi laquelle marche le mieux.

   Je vous garantis que vous entendrez parler des projets de Gary, qu'ils réussissent ou qu'ils échouent. En attendant, il a déjà gagné sur un point, puisque le SDIO investit dans un projet qui semble incroyablement familier à quiconque a déjà vu les plans de Phoenix. J'aurais souhaité les voir faire appel à Gary plutôt qu'à McDonneil-Douglas pour le construire, mais je soupçonne le gouvernement d'être partial envers les "fournisseurs connus". Et dès que je le pourrai, j'en écrirai davantage.

   C'est bien la chose la plus formidable que j'aie connue de toute ma vie, en tout cas plus que je puis en communiquer par l'intermédiaire d'un traitement de texte.

Conclusion

   Je vois les USA se replier sur eux-mêmes, perdre leur supériorité, et se dissoudre dans une multitude de groupes ne défendant que leur propres intérêts, au lieu d'une éthique constructive commune. Le Japon est l'exemple classique de nos concurrents. Et pourtant, il y a un domaine où nous excellons, à savoir la technologie spatiale et envoyer des gens là-haut. Dans moins d'un an, nous serons à nouveau sur la route qui mène à la prochaine frontière!

   L'espace est l'endroit où nous pouvons changer notre devenir. Il peut nous fournir les ressources dont nous avons tant besoin (tôt ou tard, nous serons à court de pétrole, et plutôt tôt que tard), et l'espace est si innovateur que les nombreuses retombées déjà obtenues ne sont qu'un mince avant-goût des résultats futurs.

   Gary s'est battu pendant 20 ans pour nous ramener dans l'espace, et on semble y venir. Si quelqu'un a jamais mérité d'être traité en héros, c est bien lui, car s'il n'avait pas promu son idée de SSTO réutilisable, on ne construirait probablement pas de Delta Clipper aujourd'hui. Vols d'essais dans un an...

   Je me rends bien compte que cet article n'est pas centré sur le monde Atari, mais il est toutefois centré sur l'univers de la bidouille, et sur l'espace qui nous affecte tous. J'ai pensé que vous aimeriez cet aperçu du futur, et de ce qui fait courir un bidouilleur sur Atari.

   Je suis volontaire pour aider Gary au pilotage, aux tests, à n'importe quoi, n'importe quand ! J'ai redécouvert ce que je désire le plus au monde. Et béni soit Gary pour me l'avoir rappelé. Je vous laisse sur une pensée qui m'enthousiasme : Gary possède un exemplaire du moteur RL-10.

Traduction et adaptation: Password
Titre original : The Fire Within.


Date de création : 16/02/2015 : 09:07
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